Tinder : analyse d’un triomphe planétaire

On ne le présente plus vu son succès mondial, Tinder est une application qui propose de faire des rencontres directement depuis un smartphone. Mais comment expliquer une telle réussite depuis son lancement en 2012 ?

  1. Un systÈme innovant

Tout d’abord, Tinder est l’une des premières applications de rencontres à être spécifiquement développée pour les smartphones plutôt qu’une extension d’un site de rencontres déjà existant.

Après l’avoir téléchargée, les utilisateurs doivent impérativement se connecter avec leur compte Facebook ou leur numéro de téléphone portable pour commencer à utiliser ce service.

De cette manière, Facebook ainsi que le numéro de mobile servent à authentifier les utilisateurs. Les internautes doivent également fournir des données pour construire leur profil Tinder tels que le prénom, l’âge, le sexe, des photos et peuvent aussi lier leur compte Instagram et leur chanson préférée sur Spotify* pour donner plus de crédit à la validité de leur profil.

Cela permettrait de rassurer les autres utilisateurs sur la fiabilité des comptes (1). Dès que l’internaute a choisi ses photos, sa description et configuré ses paramètres, l’application permet, comme de multiples autres applications de nos jours, de faire défiler de nombreux profils utilisateurs en fonction de leur sexe et de leur localisation pour entrevoir une potentielle discussion, voire une rencontre en face à face.

Le fonctionnement se base sur le mouvement du balayage de l’écran : le swipe. Si l’utilisateur apprécie la personne proposée en photo, il doit swiper vers la droite pour indiquer qu’il apprécie le profil, sinon vers la gauche.

Lorsque deux profils sont confrontés l’un à l’autre et swipent à droite tous les deux, cela s’appelle un match. Une conversation se crée alors entre les deux utilisateurs et leur permet de communiquer via un système de messagerie. C’est le « double opt-in social » (2), désignant un consentement en deux étapes.

Ensuite, les deux protagonistes n’ont plus qu’à passer le cap du premier message…

  • Les motivations des utilisateurs sur Tinder

Comprendre pourquoi des millions de personnes dans le monde utilisent Tinder pour faire de nouvelles rencontres est important pour plusieurs raisons.

Avant tout, cela permet d’expliquer et de comprendre la popularité croissante des applications de rencontres sur mobile de 2012 à 2020.

En outre, la compréhension des motifs de l’utilisation de Tinder fournit un point de départ nécessaire pour les questions de recherches connexes concernant les effets positifs ou négatifs de l’utilisation de ces applications de rencontres (PROPOSER UN ARTICLE DE BLOG SUR LES EFFETS + et – et faire un lien ???).

Tinder et les autres applications en général sont réputées pour être peuplées par des utilisateurs qui souhaitent vivre des relations sexuelles occasionnelles et faciles (« hook-up » en anglais). Ces croyances sont souvent relayées dans les médias, sur Internet et entre les individus eux-mêmes.

Pourtant, la plupart des études s’accordent à dire que ces « hook-up » ne représentent pas la majorité des motivations qui animent les personnes à utiliser des applications de rencontres.

En fait, l’utilisation des services de rencontres en ligne dépend des besoins initiaux et des attentes de chacun, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes.

En 2016, plusieurs universités belges et néerlandaises ont réalisé ensemble une étude empirique (3) pour tenter d’identifier les motivations des 18-30 ans qui utilisent l’application Tinder aux Pays-Bas.

Ces chercheurs ont déterminé six motifs principaux : la recherche d’un partenaire amoureux, le sexe occasionnel, la facilité de communication, la validation personnelle, l’excitation/amusement et l’effet de mode.

L’analyse des motivations

En Hollande

Contrairement aux croyances populaires influencées notamment par ce qui a été véhiculé précédemment dans les médias, la motivation de l’amour semble être un des moteurs les plus puissants qui animent les individus à utiliser Tinder.

Le sexe occasionnel (« coups d’un soir », « plans culs ») remporte également son petit succès, selon l’étude (3).

Les utilisateurs masculins présents sur la plateforme ont montré un attrait plus important pour le sexe occasionnel que les utilisateurs féminins de Tinder. Dans ce cas précis, cette constatation correspond cependant aux croyances populaires concernant la représentation de l’utilisation accrue d’Internet (sites et applications) par les hommes pour chercher des partenaires sexuels potentiels.

Bien qu’il soit intéressant d’observer dans le futur comment les applications de rencontres risquent de changer la vie amoureuse et la manière dont les relations sont considérées par les individus, les découvertes de cette étude suggèrent que les rencontres qui vont découler des matchs Tinder sont fortement liées aux attentes des utilisateurs.

Avant même d’utiliser de telles plateformes, les usagers auraient très souvent des attentes déjà bien déterminées.

La présente étude serait une des premières à démontrer que Tinder ne devrait pas être simplement considéré comme une application sur laquelle il est possible de chercher exclusivement des relations sexuelles occasionnelles ou autres « coups d’un soir ».

L’application devrait plutôt être envisagée comme un outil multifonctionnel qui satisferait divers besoins parmi les 18-30 ans dans la population hollandaise (3).

En Belgique

Des résultats similaires à l’étude hollandaise sont consultables dans une thèse de doctorat Is Dating Dated in Times of Tinder ? d’Élisabeth Timmermans réalisée en 2017 (1), docteur en sciences sociales de l’Université de Louvain.

Sur base de quatre études indépendantes, elle a évalué et validé de manière fiable treize motivations différentes d’utilisation de Tinder en Flandre.

Les deux motifs principaux qui ressortent le plus souvent de ces études sont l’amusement/divertissement et la curiosité (4).

En analysant la situation plus en détails (5) dans les études pour le cas de la Belgique à l’aide de l’enquête de l’association de consommateurs belge Test Achats (2019) sur 10.000 Belges interrogés (6), la principale motivation pour utiliser un service de rencontres en ligne est, comme dans les études précédemment évoquées, la recherche d’un partenaire durable, même si beaucoup d’utilisateurs sortent très déçus des sites et applications de rencontres.

Celle-ci est considérée comme « importante » pour un peu moins de la moitié des répondants (43 %), surtout pour les utilisateurs entre 25 et 45 ans, le genre jouant également un rôle : les femmes y attachent davantage d’importance que les hommes.

Dans un second temps, les utilisateurs sont principalement en quête d’amitié, quand ils ne sont pas tout simplement curieux. Tout le monde n’est pas en quête de simples aventures sexuelles : c’est considéré comme « peu important » pour 63 % des répondants, et « très important » pour 21 % d’entre eux.

Mais les hommes y attachent plus d’importance que les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Même si des tendances similaires se dégagent dans la plupart des études, il est important de préciser que les résultats pourraient être propres à chaque pays et que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si ces observations peuvent être généralisées à d’autres pays également.

Des utilisations particulières de Tinder

Pourquoi utiliser une telle plateforme si ce n’est pas pour faire des rencontres ? Les personnes utilisent Tinder pour beaucoup plus de raisons que les développeurs de l’application ne pourraient l’imaginer, y compris pour obtenir de l’approbation sociale.

Dans une démarche narcissique, ces personnes s’inscrivent parfois sans envisager la moindre relation amoureuse ou sexuelle, afin de notamment tenter de se rassurer sur leur capacité à plaire et à susciter du désir.

Ces différentes utilisations impliquent que l’application Tinder fonctionnerait plutôt comme un canal de communication qui permet aux personnes de rentrer en contact, dans lequel l’utilisation de l’application initialement prévue par les développeurs va parfois être détournée (3).

Si un utilisateur est conscient que son profil est montré à un grand nombre de personnes, ce dernier pourrait en tirer un profit quelconque.

Outre les motivations évoquées dans les pages précédentes ressortant des différentes études, certains individus utilisent donc Tinder et d’autres applications de rencontres comme un canal à part entière pour élargir leur visibilité gratuitement et ainsi obtenir un accès à un catalogue d’utilisateurs.

Grandes marques, photographes indépendants, instagrammeurs et bien d’autres se mettent donc en scène sur Tinder, servant le « narcissisme assisté » (voir Mylène sur l’image ci-dessous) ou encore le marché publicitaire.

En effet, les annonceurs, conscients que leur cible se trouve également sur ce type de plateformes, se prêtent de plus en plus au jeu en trouvant de nouvelles manières de toucher de potentiels clients (voir publicité de MediaMarkt ci-dessous).

Description : C:\Users\fabri\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\Sans-titre-1.jpg
Description : 79385188_2527373807584598_7513049350155534336_n

Évidemment, les prostituées, les violeurs, les faux profils existent. Mais ce ne sont pas les seuls dangers.

Il faut garder à l’esprit que Tinder est avant tout basé sur l’image et le corps et se sert de cela pour faire swiper ses utilisateurs le plus longtemps possible afin de collecter des données et les pousser progressivement à souscrire à un abonnement à la version payante, qui offre un nombre de fonctionnalités supplémentaires.

Plus les utilisateurs swipent, plus l’entreprise Tinder engrange des bénéfices

Pour éviter toute cette “exploitation” des données et le sentiment d’être exposé dans une vitrine d’une boutique e-commerce, beaucoup de célibataires se tournent de plus en plus vers notre agence matrimoniale Easys.

Sources :

  • Timmermans, E. (2017). Is Dating Dated in Times of Tinder ? Exploring the Mediatization of Casual Sexual Intimacy (Thèse de doctorat). Consulté sur https://core.ac.uk/download/pdf/84932458.pdf
  • Duportail, J. (2019). L’Amour sous algorithme (Goutte d’Or). Lonrai, France: Goutte d’or.
  • Sumter, S. R., Vandenbosch, L., & Ligtenberg, L. (2017). Love me Tinder : Untangling emerging adults’ motivations for using the dating application Tinder. Telematics and Informatics, 34(1), 67 78. https://doi.org/10.1016/j.tele.2016.04.009
  • Pour consulter la liste de toutes les autres raisons d’utilisation mises en avant dans l’étude de Timmermans, veuillez vous référer au tableau complet aux pages 109-110 de l’étude de Timmermans : https://core.ac.uk/download/pdf/84932458.pdf
  • Très peu de chiffres sont disponibles car le phénomène des applications de rencontres est encore très récent et évolue très vite. De futures études sur le sujet devraient apparaître dans la littérature scientifique dans les prochaines années.
  • De Bal, E., & Stevering, S. (2019). Cupidon online rate sa cible. Test Achats, (645), 45 49.